La genèse

Pour comprendre la genèse de la TVR S, il faut remonter un peu dans le temps au début des années 80. A cette époque TVR sort un nouveau modèle au salon de l’automobile Belge en Janvier 1980, la « Tasmin » (à priori le prénom de la fiancée de l’époque de Martin Lilley). Le design de cette voiture est en totale rupture avec les lignes classiques que TVR avait, jusque là, l’habitude de produire, il est le reflet des productions anglaises de l’époque (TR7, Lotus Eclat,…). Ce nouveau design allait susciter beaucoup d’interrogations au sein de la clientèle TVR, voir une désaffection pour la marque (le père de ces lignes n’est autre qu’Oliver Winterbottom celui qui avait dessiné la 2ème génération de Lotus Elite et la Lotus Eclat). La « Tasmin » est vendue au départ avec une motorisation : le Ford V6 Cologne 2,8 litres. Elle est d’abord produite en cabriolet puis en coupé, afin de familiariser le personnel de l’entreprise avec la voiture. L’année suivante (1981) TVR propose un moteur d’entrée de gamme le Ford Pinto 2 litres à moins de £10 000. Malheureusement les ventes sont décevantes. Pour élargir la gamme de sa clientèle, TVR sort en 1981 un coupé 2+2 (le premier dans l’histoire de TVR), et même quelques versions Turbo (228 ch) sont produites et présentées en 1981-1982. Mais les ventes ne repartent pas et les coûts de développement restent élevés ; après 15 ans de relative tranquillité financière, TVR se porte mal !

 

 

Tasmin 280i

Une Tasmin dans la version 280i

 

Le propriétaire de TVR à l’époque, Martin Lilley pense alors à jeter l’éponge, mais il ne veut pas voir le nom de TVR mourir. Il décide alors de contacter quelques clients de TVR et entre en contact avec le propriétaire d’une Taimar Turbo, Peter Wheeler. Ce dernier venait de vendre son entreprise de chimie et de se retrouver avec du temps libre et de l’argent. Même s’il semble que ce n’était pas son intention première, il se retrouva propulsé à la tête de l’entreprise en 1981-1982. Le premier modèle fabriqué sous sa direction sera une version « entrée de gamme », la Tasmin 200 convertible, mais le succès n’est pas encore au rendez-vous. Dans le même temps, il s’occupe de résoudre les difficultés d’exportation vers le très lucratif marché Américain. Enfin en 1983, il a l’idée géniale de monter le V8 Rover 3,5 litres (qui était déjà utilisé dans beaucoup de productions anglaises) dans la Tasmin avec la version 350i. Ce choix permit à la Tasmin un gain de performance notable à un prix de vente toujours raisonnable, mais surtout d’ancrer définitivement TVR comme un constructeur de sportives « grosses cylindrées », après les différentes expériences « Griffith » sur la Grantura (Griffith 200 et 400) et la Tuscan V8 dans les années 60. Avec la 350i, le nom de Tasmin fut progressivement abandonné et les modèles suivants furent communément appelés « Wedge ».

 

Les ventes repartent, Peter Wheeler décide d’enfoncer le clou en 1984, en dévoilant au mois d’octobre la 390SE et en abandonnant du même coup le modèle 2 litres (qui se vendait assez peu : 16 coupés et 45 cabriolets au total). Ces décisions permettent à la Tasmin de trouver sa place et de connaître un relatif succès des 2 côtés de l’Atlantique. TVR continuera par la suite à développer le V8 Rover sur la Tasmin en passant par la 400, la 420 et en terminant avec la 450SEAC (320ch, 0-60 mph en 5,2s tout de même !) qui sera produite jusqu’en 1991 (Elle sera remplacée par la Griffith). Malheureusement les bonnes ventes de la Tasmin en version V8 ne permettent pas à TVR d’être encore tiré d’affaire.

 

Surtout que l’année 1985 s’annonce très mal, en effet l’augmentation des coûts de transports, des primes d’assurance (de 160 K$ à 1M$) ; les nouvelles lois aux États-Unis sur la pollution ; la détérioration des relations avec les douanes américaines et le réseau de distribution et enfin un taux de change défavorable rendent les ventes aux États-Unis de plus en plus compliquées, à tel point que TVR finira par abandonner en se retirant du marché américain (qui fut plusieurs fois son principal marché) et se concentrer sur le marché britannique qui est beaucoup plus limité. TVR a pourtant tenté de faire face à ces difficultés en particulier sur la pollution en travaillant sur un prototype, la « White Elephant », avec une base moteur GM Holden V8 de 5 litres en provenance d’Australie. Mais rien n’y fera, la dernière TVR importée aux États-Unis est une 280i S2 en 1987 et depuis plus rien ! En tout cas officiellement.

 

TVR White Elephant

La TVR White Elephant

  

Dès son arrivée chez TVR, Peter Wheeler avait pris conscience que le design de la Tasmin ne faisait pas l’unanimité parmi les habitués de la marque (au moment du lancement de la S, 60% des clients étaient ou avaient été propriétaire d’une TVR). Il fallait aussi trouver un modèle d’entrée de gamme afin d’élargir la clientèle, en effet la Tasmin 350i se vendait à un peu moins de £18 000. Enfin en 1985, ce design commençait aussi à être démodé. Il était temps de sortir un modèle qui renoue avec l’histoire de TVR et son passé et qui réponde à l’approche de Peter Wheeler (« Je fait les voitures dont j'ai envie et je me dis qu'il y aura bien quinze cents types qui ont les mêmes envies que moi »). C’est là que la S apparaît !

 

Prototype TVR S

Le prototype de la TVR S serie

 

Le salon de l’automobile (Motor Show) qui se tient à Earls Court à Londres en 1986 est un événement important pour TVR. En effet le constructeur de Blackpool présente l’un de ses 2 modèles à l’étude, il reprend le moteur de la Tasmin 280i et s’inspire, pour le design, de la 3000S, premier cabriolet de la marque produit en série (seulement 271 exemplaires dont 13 Turbos). Pour l’histoire Martin Lilley s’était fait fabriquer au milieu des années 70, un cabriolet à partir d’une série M à laquelle il avait fait retirer le toit et remplacer le pare-brise par 2 petits vitres. Le prix de vente reste raisonnable (£13 000). Le succès est au rendez-vous puisque TVR signe 62 commandes à l’issue de ce salon. La S est lancée ! Son nom « série S » est certainement en hommage à la 3000S dont elle reprend seulement les poignées de porte.

 

TVR 3000S

La TVR 3000S

 

L’autre prototype présenté lors de ce salon est la TVR 420 Sports Saloon. Cette TVR est un vrai coupé 2+2 offrant réellement de la place aux passagers arrières, ce qui n’était pas le cas de la Tasmin 2+2. Basée sur le même châssis et moteur que la 420 SEAC, son design « très particulier » suscitera trop peu d’intérêt et le projet sera abandonné.

 
TVR 420 Sports Saloon

La TVR 420 Sports Saloon

 

NB : La Tasmin (ou « Wedge »), malgré leur design très controversé restent des modèles qui auront marqué l’histoire de la marque. Ces monstres de puissance auront redonnés leurs lettres de noblesse aux motorisations TVR et feront preuve d'une grande efficacité sur circuit. A tel point que, devant leur outrageuse domination, elles seront disqualifiées ! Sans elles (et Peter Wheeler) TVR n’aurait peut être jamais franchi le cap de mettre « systématiquement » un V8 dans ses voitures. En tout 2494 Wedges seront produites de 1980 à 1991 (soit presqu’autant que les S séries !).

 

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